FAUT-IL
SOUTENIR L'AMERIQUE ?
DEUXIEME "CAFE
CITOYEN" ORGANISE A L'INITIATIVE DE "CROISSY AUTREMENT"
Jeudi 21 novembre 2002.
(Restaurant La Sauvagine à
Croissy)
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Emmanuel Kessler (animateur)
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Se retrouver dans une ambiance conviviale
pour une soirée d'échange sur un thème d'actualité
: c'est l'objectif du Café-Citoyen, organisé par l'Association
Croissy Autrement. La deuxième édition du Café-Citoyen
a eu lieu jeudi 21 novembre 2002, au restaurant La Sauvagine, à
Croissy. Les participants ont donc pu découvrir... le Beaujolais
nouveau, cuvée 2002, et débattre autour du thème
: " Faut-il soutenir l'Amérique? ".
L'automne 2002 a été
dominé par la perspective d'une action militaire américaine
contre l'Irak. La discussion a permis d'aborder deux grandes questions
: - Quelle peut-être la justification d'une action contre l'Irak
? - Y a-t-il un antiaméricanisme spécifique qui s'exprime
tout particulièrement en France ?
1. La justification d'une action
contre l'Irak :
Les échanges mettent en
lumière la difficulté à cerner " les vraies
raisons " de l'action engagée par George Bush :
- Comme l'a écrit récemment
l'écrivain Salman Rushdie : le régime dictatorial et sanguinaire
de Saddam Hussein mérite d'être renversé au nom
de l'idéal démocratique, mais les motivations affichées
par George Bush pour justifier une intervention militaire (la menace
nucléaire, les liens supposés entre le terrorisme et le
régime irakien, la lutte contre l'"axe du mal") sont
discutables. Toutefois, comme le dit également un intervenant,
"s'il faut faire sauter un régime parce qu'il est totalitaire,
il y a du boulot !". En outre, les Occidentaux, notamment les Français,
ont largement favorisé la montée en puissance du régime
irakien. - La presse américaine met, elle, l'accent sur la lutte
contre le terrorisme. Auprès de l'opinion américaine,
George Bush fait passer l'idée qu'en renversant Saddam Hussein,
les USA marqueront des points dans la lutte contre le terrorisme. Identifier
Saddam au Mal relève certes d'une vision manichéenne et
trop simplificatrice, mais les Américains ont besoin d'un discours
simple et rassurant. Saddam est un ennemi bien identifié.
-II y a sans doute également une dimension de propagande dans
la présentation qui a été faite en France de la
situation, pour tenter de démontrer que, grâce à
la France et à Jacques Chirac en particulier, les Etats-Unis
ont accepté l'intervention de l'ONU dans la crise.
- Il faut noter enfin une différence de mentalité entre
Français et Américains : les seconds réagissent
de manière plus impulsive, tandis que les Français préconisent
d'abord le dialogue et la négociation. Le français a d'ailleurs
été historiquement la langue de la diplomatie, tandis
que l'Anglais est celle de l'efficacité. Mais il faut aussi veiller
à ce que la diplomatie ne débouche pas sur des atermoiements
dangereux lorsqu'à un moment donné, le recours à
la force devient nécessaire.
2. Qu'en est-il de l'antiaméricanisme
français ?
Les critiques sur la politique
américaine, la mise en cause d'une forme d'impérialisme
qui expliquerait les attentats du 11 septembre ont été
des thèmes très présents dans les médias
français à la rentrée de septembre. Les participants
au Café Citoyen ont tenté d'expliquer et de relativiser
ce "sentiment anti-américain" :
- Il y a un vieux fond historique
en France de méfiance à l'égard des Etats-Unis,
voire d'hostilité. Il s'est manifesté, par exemple, dès
le lendemain de la seconde guerre mondiale, dans les propos et la politique
de De Gaulle ou encore pendant la guerre du Vietnam. Aujourd'hui, il
s'affirme dans la critique de la domination économique américaine
et de son " égoïsme ".
- C'est peut-être moins un antiaméricanisme qui traverse
l'opinion française qu'une volonté d'indépendance.
Les Français et les Européens veulent avoir leur propre
opinion et leur propre analyse de la situation mondiale. En outre, l'antiaméricanisme
qui s'exprime dans certains discours ne se retrouve pas du tout dans
les comportements, notamment dans la consommation, comme en atteste
le succès d'une marque comme Mac Donald' s. A travers les critiques
contre les Etats-Unis, la France cherche aussi à retrouver, par
le discours, un statut de puissance et une influence qu'elle a, en réalité,
perdus. Par ailleurs, on peut être surpris par le fait que la
mondialisation fasse l'objet de critiques lorsqu'on parle de la domination
d'une société comme Microsoft mais qu'on ne trouve rien
à redire lorsque TotalFinaElf ou EDF font des acquisitions à
l'étranger.
- Certains estiment que si les Etats-Unis ont été frappés
par le terrorisme, c'est parce qu'ils imposent au monde un modèle
économique où ils s'enrichissent de plus en plus, sur
le dos des pays les plus pauvres. Mais ce jugement risque d'aboutir
à une position " perverse " qui consiste à culpabiliser
la victime et à "victimiser" le coupable.
En conclusion, les participants
estiment que le seul vrai contrepoids à la superpuissance américaine
est la constitution d'une Europe forte. Un bloc européen unifié
déboucherait sur une autre perception du marché et de
la culture des Etats-Unis. Dans cette perspective, la question d'une
éventuelle adhésion de la Turquie à l'Union européenne
doit faire débat. Faut-il considérer comme une chance
le fait de pouvoir arrimer à l'Europe un pays qui représenterait
un Islam démocratique ou, au contraire, considérer qu'il
s'agit d'un pays qui se situe au-delà de nos frontières
naturelles et de notre culture? Si l'Europe du charbon et de l'acier
ou l'Europe monétaire a pu se faire, il n'est pas du tout certain
que des citoyens aux identités très diverses soient prêts
à se fondre dans un ensemble politique et culturel unique. Une
suggestion consensuelle pour finir : offrir la Corse aux Américains,
pour qu'ils y installent une base militaire...